CREDIT D'IMPOT COVID-19 : TVA ET ABANDON DE CREANCE DE LOYER COMMENT CA MARCHE ?
Nombreux sont les bailleurs qui ont envisagé de consentir un abandon de créance d’une partie de leurs loyers impayés dans le cadre des mesures gouvernementales de soutien prises dans la gestion de la crise sanitaire liée à la COVID 19 et ouvrant droit à un crédit d’impôt de 50%.
Après avoir analysé les spécificités du régime de ce nouveau crédit d’impôt, il convient d’en voir les incidences en termes de TVA.
1. Principe
Aux termes de l’article 269-2-c du Code général des impôts (CGI), doit être regardée comme encaissée toute somme perçue en rémunération d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Pour les prestations de services la taxe est exigible, en règle générale, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération, ou, sur option d'après les débits.
2. Position de la Jurisprudence
Qu’en est-il en cas d’abandon par un créancier d’une rémunération de prestations de services ? Plusieurs cours administratives d’appel ont considéré qu’un tel abandon de créances est « un acte de disposition qui s’analyse comme un encaissement suivi d’une libéralité envers le débiteur et qui rend exigible le montant de la TVA. »
Heureusement, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 2 mai 2018, a mis un terme à de telles décisions et a jugé à juste titre selon nous que le titulaire d’une créance qui renonce à celle-ci et qui choisit donc de ne percevoir aucune somme à ce titre, n’est pas redevable de la TVA sur les sommes auxquelles il a renoncé.
Cet arrêt a apporté ainsi des précisions importantes, étant rappelé que l'article 256-IV du CGI prévoit notamment que les travaux immobiliers sont considérés comme des prestations de services.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a retenu que la circonstance qu'une personne ait renoncé volontairement à percevoir des redevances, alors qu'elle mettait à disposition d'un tiers un fonds de commerce, ne permet pas à l'administration d'exiger d'elle la TVA sur les sommes correspondant à la renonciation à ces créances, dès lors que la TVA ne peut porter que sur une rémunération effectivement encaissée.
3. Conséquences
1°) Le loyer doit-il être soumis à la TVA ?
Sauf à avoir opté pour les débits, la TVA est exigible lors de l’encaissement du loyer. Un loyer non encaissé ne donne donc pas lieu à collecte de la taxe, y compris s’il est consenti par abandon de la créance de loyer ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat (CE 2 mai 2018 n° 404161).
Comme nous l’avons vu, l’abandon de créance a fait l’objet de débats en jurisprudence, notamment parce que la cour administrative d’appel de Bordeaux y avait vu un acte de disposition entraînant l’exigibilité de la TVA (7-5-2008 n° 06-1398, 4e ch., Sté Tekoprom).
Elle avait en effet estimé que l’abandon de créance revenait à encaisser un instant de raison, pour rendre les fonds un instant de raison plus tard. Ce raisonnement a heureusement été expressément démenti par le Conseil d’Etat dans l’affaire précitée. Il n’y a donc pas à collecter de TVA sur les loyers qui, par définition, ne seront jamais perçus.
Le droit à déduction du preneur ne prenant naissance qu’au moment de l’exigibilité de la taxe chez le prestataire, le locataire n’acquiert de son côté aucun droit à déduction au titre des loyers non acquittés.
Lorsque le bailleur a opté pour les débits, la situation est différente car la TVA devient exigible au moment de la constatation de la créance sur le preneur et l’émission corrélative de la facture de loyer.
Pour se recréditer de la TVA préalablement collectée, le bailleur renonçant à encaisser le loyer doit en principe respecter la procédure des impayés, ce qui est complexe car elle suppose la démonstration préalable du caractère définitivement irrécouvrable de la créance.
Si la renonciation intervient avant même que ne soit constatée la naissance d’une créance sur le preneur, cela doit en principe éliminer la problématique et conduire à ne jamais rendre la TVA exigible chez le bailleur.
2°) La non-perception de loyers entraîne-t-elle des conséquences au regard des droits à déduction du bailleur ?
La non-perception de loyer serait temporaire et ne devrait donc pas être assimilée à une cessation d’affectation de l’immeuble à des opérations soumises à la TVA qui entraînerait une éventuelle régularisation globale de la taxe ayant grevé la construction ou l’acquisition de l’immeuble par le bailleur.
Le caractère temporaire de cette situation pourra être justifié par tout moyen, comme par exemple un avenant au contrat de bail ou tout document établissant les motifs et la durée de la non-perception du loyer.
Peut-il y avoir en l'espèce taxation d’une prestation à soi-même ?
Nous ne le pensons pas dans le cas d’une renonciation sur un bref laps de temps du loyer convenu par un bail en cours. Le système de TVA prévoit en effet un mécanisme de correction de la taxe déduite au titre de dépenses utilisées pour rendre des prestations de services à titre gratuit et à des fins étrangères à l’activité de l’assujetti. Cette correction se traduit par la taxation, à son prix de revient, de la prestation gratuite, la taxe grevant cette prestation à soi-même n’ouvrant aucun droit à déduction.
Toutefois, autant cette question mérite d’être soulevée pour les entreprises qui envisagent de mettre gratuitement des locaux à disposition, autant la non-perception de loyers pour trois mois, telle qu’elle est suggérée par le Gouvernement, ne nous paraît pas répondre à l’objectif de ce mécanisme, qui est d’éviter toute consommation en franchise de taxe.
Les circonstances particulières liées à la crise sanitaire pourraient selon nous justifier de ne pas procéder à la taxation de cette livraison à soi-même de services, mais cela mériterait confirmation par l’Administration.
4. Incidence sur le coefficient de récupération
Il convient enfin d’attirer l’attention sur un effet collatéral induit par la non-perception de loyers en principe soumis à la TVA au titre de locaux situés dans un immeuble comportant d’autres locaux donnés en location exonérée.
Au titre de l’année concernée, la non-perception des loyers commerciaux pourrait mécaniquement se traduire par une dégradation du coefficient de taxation servant à la détermination du droit à déduction des frais généraux se rapportant à l’immeuble concerné.
Sauf si l’assujetti a fait usage de la faculté offerte par l’Administration de déterminer ce rapport à raison des surfaces de locaux respectivement données en location taxée ou exonérée, le coefficient est déterminé par le rapport entre, au numérateur, le chiffre d’affaires soumis à la TVA et, au dénominateur, le chiffre d’affaires total.
Logiquement, on peut espérer que l’administration fiscale viendra dans les prochains mois confirmer l’absence de toute incidence sur le coefficient de récupération de la TVA.
Le cabinet PHILIPPE ARLAUD, fiscaliste, étudie et propose des solutions adaptées à chaque cas. N’hésitez pas à nous consulter. Notre cabinet, implanté aux portes de Paris à Pantin, intervient dans toute l’ile-de-France et en province.
- octobre 2023
- septembre 2023
- avril 2021
- janvier 2021
- septembre 2020
- mai 2020
- avril 2020